dinsdag, december 14, 2010

Sterven met een volle geldbeugel


Na het sensationele levenseinde van Kardinaal Dubois stootte ik ook op het overlijden van zijn spitsbroeder de Regent (Filips van Orléans, 1674-1723). De man liet zowaar 60 miljoen livres tournois achter in de Franse schatkist. De "Schirac" die wordt vermeld in deze dépêche van Thomas Crawford, secretaris van de Britse ambassade, aan John Carteret, Secretary of State voor het Southern Department, is de hofchirurg, voorvader van Jacques Chirac.

Zo ziet u maar, diplomatieke geschiedenis gaat niet enkel over juridische en politieke terminologie, geostrategische concepten en staatsbelangen, maar ook over haat en verraad, dood en ziekte, feesten en bals...


A Paris ce 6e Xbre 1723

My lord,

Je m'imagine qu'il me sera bien
difficile de mander a Votre Excellence quelque chose
sur le grand evenement qui vient d'arriver, qui
merite son attention, & qui ne se trouvera pas dans
la depeche de mr le chevalier schaub et de
mr walpole, cependant comme j'ai vos ordres
precis de vous ecrire par les couriers toutes les
fois que j'ai quelque chose à dire, je risquerai à
cette occasion de mander à vre exce quelques
faits comme ils m'ont eté contez par des personnes
que je crois dignes de Foy.
Premierement par rapport aux circonstances
de la mort de monseigneur le duc d'orleans,
lesquelles apparament ces messieurs ont trouvés
trop frivoles pour leur depeches, j'aurai l'honneur
de vous les reciter comme elles m'ont été contées
par pauvre madame de Fallary qui se trouva
malheureusement avec lui quand le coup l'a
frappé
Elle m'a dit qu'elle etoit venue ce soir la
chez son A.R. pour lui presenter un memoire
de la part de le Duchesse de la Meilleray son
amie à elle que le valet de chambre lui dit que son
AR se trouvoit incommodé, & lui avoit defendu

Exce My Lord Carteret Secretaire d'Etat

v

de laisser entrer personne, qu'il vouloit se reposer le
reste de la soirée jusqu'à l'heure de monter chez
le Roy, qu'il venoit d'etre fatigué par beaucoup
de monde, mr schaub y avoit eté entre autres
mais ce qui l'avoit fatigué le plus etoit une brigue
pour la charge de premier ecuyer entre mr le
duc de st simon & mr de nangis qui etoient
venus tous deux
Avec cette reponse madame de fallary
se retira chez madame la princesse de rohan
ayant appris en outre que madame de prie avoit
eté renvoyée de la meme sorte
Quelque tems apres qu'elle fut chez
madame de rohan le valet de chambre la vint
trouver, & lui dit que son AR ayant demandé
quel monde etoit venu pour demander audience,
il l'avoit nommée entre autres, sur quoi son
AR lui avoit donné ordre de l'aller trouver
chez madame de rohan, & de la faire venir,
ajoutant (suivant sa bonté pour elle) qu'il
scavoit qu'elle ne le tracasseroit point, & que
peutetre elle auroit quelque chose de pressé a
lui dire.
Elle m'a dit qu'aussitôt qu'elle entre
dans le cabinet ou etoit monsr le duc d'orleans,
elle s'apperçut, qu'il ne se portoit pas bien
Il lui demanda d'abord si elle avoit quelque
chose de pressé à lui dire, et la pria de s'asseoir

312r

et de se tenir compagnie, elle repondit qu'elle n'etoit
pas contente de sa mine et le pria de se reposer
qu'elle n'avoit rien de pressée à lui dire, et quand
elle en auroit, qu'elle n'etoit pas assez cruelle
pour lui parler d'affaires ce soir là, il voulut
sçavoir ce qu'elle avoit à dire, alors elle repondit
que c'etoit un memoire sur quoy son A.R.
repliqua que pour lire un memoire ce soir là ce
seroit trop fort pour lui, mais la pria de dire
de quoy il s'agissoit, elle le lui dit, et il repondit
qu'il le feroit avec plaisir et s'assoupit en parlant.
et commenca a ronfler, comme elle l'a veu faire,
(à ce qu'elle m'a dit cent fois), en pareilles occasions,
elle se mit dans un feuteüil aupres de lui,
et vouloit favoriser son sommeil, mais il se
reveilla d'abord en sursaut, sur quoy elle dit qu'elle
vouloit se retirer et dire a ses gens, de le venir
veiller, il ne vouloit point qu'elle s'en alla & lui
demandoit pardon de s'etre laissé assoupir, elle
repondit que s'il faisoit de telles façons avec elle,
qu'elle ne resteroit pas mais que s'il vouloit se
reposer elle se mettroit aupres de lui & tacheroit
aussi de dormir. Il s'assoupit encore comme
elle disoit cela, et recommenca ronfler
comme auparavant, mais avec plus d'embarras
à ce que lui parut.
Elle voulut alors s'en aller
doucement et avertir les valets de chambre de le venir veiller

v

mais regardant son visage comme elle partoit, elle
vit que ses yeux etoient ouverts, et que sa bouche
commençoit à tourner de travers; que son visage
changeoit de couleur, et devenoit d'une couleur
livide,
sur quoy elle sortit de la chambre par ou
etoient les valets, et leva les hauts cris, elle ne
trouva personne d'abord, & courant en distraction
partout ne sachant ou elle alloit, ayant trouvé a la
fin quelqu'un elle rentra dans la chambre, ou etoit
deja accouru du monde qui sur les cris etoit
entré de l'autre coté de l'appartement. Elle le
trouva glissé de son Siege sur le planché, la
tête seulement appuyée sur un de ses coins.
Schirac y etoit, mais on ne trouva aucun
chirurgien qu'un quart d'heure aprés on le
saigna, et le sang vint assez bien, mais il ne
vecut qu'environ une demy heure aprés l'acces

Dans ce tems là tout le chateau fut averti de son etat, et
des qu'il expira m le duc qui se trouvoit à versailles
monta chez le roy et demanda la charge de
premier ministre

Sa Majesté T Cenne repondit rien, mais
le Precepteur Frejus qui s'y trouva lui dit,
qu'il repondoit a Sa Majesté de Mr le Duc,
que personne dans le Royaume ne lui etoit plus
attachée, & qu'il seroit pour les interets de sa majesté
de le faire son premier ministre, ajoutant que
mr de la vrilliere etoit dans l'antichambre

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(2)

et que si elle vouloit il le feroit entrer pour
recevoir ses ordres d'expedier la patente, sur quoy
le Roy T.C. dit, ouy, & mr de la vrilliere fut
appelé, et mr le duc lui dit que le roy
l'ordonnoit d'expedier une patente pour lui
comme Premier ministre, cela fut bientôt fait,
et sans delai m le duc fit apporter le fauteil
de ceremoni du roy, ou sa majesté tc monta
et receut les sermens de son altesse, comme
il est d'usage.

Mr de chartres qui receut la nouvelle
que son pere etoit mal, à l'opera de paris, arriva
quelque tems aprés, & ayant appris ce qui s'etoit passé,
vint se jetter aux pieds du roy, ou ayant fondu
en larmes, il dit seulement qu'il etoit trop frappé
de douleur pour pouvoir parler à sa majesté, & le roy
l'ayant levé, il se retira sans dire davantage
Le lendemain matin toute la France vint
faire sa cour a mr le duc. Mr Walpole & moi
entre autres eumes l'honneur de lui etre presentés
par mr de morville,
à laquelle occasion, il nous
donna les assurances le splus fortes, et de la
maniere la plus gracieuse, qu'il continueroit à
suivre les memes erremens par rapport au Roy
notre maitre que mr le duc d'orleans et lui,
avoit suivis jusques icy, & qu'il n'avoit rien plus
au coeur que de meriter l'amitié du roy en persuivant
les memes measures qui avoient si heureusement

v

etabli l'union et la harmonie entre les deux
Couronnes
Le meme soir de vendredi mr le duc
fit entrer mr le marechal de villars dans le
conseil d'etat, suivant ce qui avoit eté concerté entre
lui et mr de frejus
Le marechal a dit aujourdhuy en presence
d'un seigneur qui me l'a dit que lui ne s'y
attendoit point, mais que mr le duc etoit venu a
lui et le prenant par la main lui avoit dit,
qu'il ne seroit pas digne de son estime s'il differoit
un moment à le faire entrer dans le conseil du
Roy, que voulez vous, dit le marl, que je fisse,
cette Gasconade fir sourire la personne à qui
il parloit et le marl en fut quitte à ce prix.

Mr le Duc proposa aussi au marl de
Tessé
d'y entrer, mais il s'en excusa disant, qu'il
avoit deja pris le parti de se retirer du monde, et
qu'il lui convenoit de toute facon de le soutenir
Tout ceci fait beaucoup de mauvais sang
à la cour parmi les princes et d'autres seigneurs
qui se croyent avoit droit d'etre du conseil,

aussibien que mr de villars, et outre cela m le duc
a sur le bras beaucoup de brigues de gens de
consideration pour des emplois et choses vacantes, qui
ont ete laissées indecises par mr le duc d'orleans
Lesquels gens il souhaiteroit de contenter tous dans
le commencement de son ministere, ce qui est pourtant
impossible, cela joint aux pretensions de mr de chartres

314r

rend sa situation tres embarrassante, n'ayant quasi
personne de bon conseil aupres de lui, mais de
quelque façon que les choses se tournent, il me
paroit clair que toutes le sparties rechercheront
l'amitié du Roy notre maitre
J'ay parlé avec plusieurs personnes de
distinction qui ont d'abord tombez d'accord,
qu'il convenoit indubitablement à quiconque
gagneroit ladessus de s'appuyer par l'amitié
du Roy notre maitre.
Mr le Duc à ce qui m'a eté
rapporté par ses amis les plus intimes, est tres fort
dans ce sentiment, & il n'est pas à douter que
mr de chartres ne seroit de même, s'il avoit
l'autorité, ou s'il vient de l'avoir, et ses oncles
memes y donneroiennt sans doute, car ils ne
scauroient jamais esperer de la succession
espagnole, un avantage pareil à celuy d'avoir leur
neveu le maitre, lequel a combattu pour Eux
dans toutes les occasions même contre son Pere.
Les Paris auront grand part dans l'administra
tion des Finances,
mais comme ils ont une assez
mauvaise reputation dans le public, son choix
d'eux pourra donner prise contre lui, & l'obliger
de les abandonner, ce que pourtant je ne
souhaiterois pas, car tant qu'ils sont en place,
ils tiendront eloigné mr le blanc, dont certaine
ment les principes ne sont pas bons par rapport
à la tranquillité de l'Europe & particulierement
par rapport à la notre.

v

mr de morville à ce que j'ai ouÿ dire aux intimes
de mr le duc est à present fort bien avec lui; mais
si une certaine froideur qui a eté depuis quelque
tems entre madame la duchesse & mr le duc son fils se
raccomode (comme il y a de l'apparance) on m'a
averti que nous devons etre en garde contre le rappel
de mr de torcy aux affairs, c'est à quoy il convient
aux ministres du roy d'avoir grande attention
et même d'en parler fortement à mr le duc en
cas que le bruit s'en repand.
Le rappel de mr le Marchel de Villeroy
etoit arreté par mr le duc d'orleans avant sa mort
et le courier devoit etre depeché a lyons pour le faire,
le lendemain de cet evenement, je crois même que
le courier a été deja depeché par mr le duc hier
ou avant hier
J'apprehende que, ma lettre ne soit deja trop
longue, et peutetre trop hardie, mais je repons de la
verité des faits qu'y sont recitez, et j'espere que
vre exclence me pardonnera les raisonnemens qui
suivant mes lumieres me paroissent assez naturels.
Depuis la mort de mr le duc d'orleans le
mariage de mr le comte de toulouse avec madame
de gondrin a été declaré ce qui est un grand
revers pour les enfans de mr du maine, et fait
grand mecontentement dans cette famille, & dans
celle de madame la duchesse d'orleans.
j'avois presque oublié d'ajouter deux choses
considerables, l'une que mr le president de Novion

315r

(3)

a la charge de premier president du Parlement
de Paris, et l'autre que mr le duc d'orleans
a laissé dans les coffres du Roi T.C. au dela
de soixante millions de la monoye de ce paiscy.

Cette grande somme en caisse fait faire
des Raisonnemens dans le public sur ce qui
pouvoit etre le dessein de mr le duc d'orleans,
en faisant une si forte provision d'argent. Ses
amis disent que c'etoit pour se mettre en etat
d'executer un projet de Finances qu'il avoit;
d'autres raisonnent differement, le fait
de l'argent est certainement vray et tres
commode pour mr le duc.

J'ay l'honneur d'etre avec grand
respect

My Lord

De votre excellence
tres humble et tres
obeissant serviteur

Tho. Crawford

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